Lettre sur la Tolérance, de John Locke

Contexte

D’après l’avant-propos de Paul Vernière.

John Locke fut le précepteur des fils et petit-fils du Lord Ashley, comte Shaftesbury et opposant au roi catholique Charles II d’Angleterre. Secrétaire et agent diplomatique du comte, il le suivi dans son exil en Hollande, où il se rapprocha des théologiens protestants locaux.

Par conviction personnelles, John Locke était opposé à l’idée de l’implication des églises anglicane et luthérienne dans la politique telle que présentée par la Réforme. Il était également opposé à la vision déterministe de Calvin et au dogme calviniste de la prédestination.

Nous ne sommes qu’au XVIIè siècle, mais John Locke a déjà vu l’importance de la révélation (cf. comprendre et accepter le message biblique comme personnellement adressé), comme point culminant de l’intelligence, et le danger du contrat social (concept à la base des Droits de l’Homme), comme servitude volontaire du citoyen.

John Locke pose ainsi les bases de la tolérance sur une séparation de l’église et de l’état, représentés comme deux sociétés adressant des besoins et objectifs distincts. Ceci découle en grande partie de la situation de l’Angleterre de l’époque, où se succèdent diverses convictions religieuses. Les deux sociétés de l’église et de l’état doivent donc s’appliquer à des domaines bien distincts : l’un s’applique à ce qui est de la terre, tandis que l’autre s’applique à ce qui est du ciel. Par exemple, tant que le péché d’un individu n’impacte pas sa vie en société, alors celle-ci n’a pas à le juger (cela restera purement du cadre spirituel).

Le contexte de l’Angleterre de l’époque pose malgré tout des limites, à la tolérance de John Locke. Pour la société religieuse, il propose au futur roi Guillaume de tolérer uniquement les mouvements protestants (dont le choix sera à la discrétion de l’individu), et exclu les mouvements catholiques et athées. Néanmoins, l’idée générale continuera de faire son chemin dans le monde libéral de l’Occident. Les mondes marxistes échouent à intégrer le caractère spontané du religieux, tandis que les mondes islamiques refusent toute séparation des deux sociétés, contraire aux écrits coraniques. Entre les deux, les mondes libéraux parviennent à en tirer toute leur richesse (Remarque : mais l’équilibre est manifestement très instable).

L’intolérance des religions

Chaque religion chrétienne prétend être la plus proche de l’image du Christ, par leur orthodoxie, leurs principes, etc. Mais se faisant, elles manifestent la nature humaine à vouloir dominer les autres, d’une façon ou d’une autre.

Pourtant, si l’on manque de charité, de douceur et de bienveillance pour tout le genre humain en général, y compris les non chrétiens, alors on s’éloigne soi-même de l’enseignement, et de l’image, du Christ.

Jésus leur dit: Les rois des nations les maîtrisent, et ceux qui les dominent sont appelés bienfaiteurs. Qu’il n’en soit pas de même pour vous. Mais que le plus grand parmi vous soit comme le plus petit, et celui qui gouverne comme celui qui sert.” Luc 22:25-26 LSG

Quiconque prononce le nom du Seigneur, qu’il s’éloigne de l’iniquité.” 2 Timothée 2:19b LSG

La religion n’est pas affaire de pouvoir ou de domination, mais de rapprochement et de relation personnelle avec Dieu, par la piété.

Mais j’ai prié pour toi, afin que ta foi ne défaille point; et toi, quand tu seras converti, affermis tes frères.” Luc 22:32 LSG

La manifestation de la charité n’est possible qu’après d’être préoccupé de son propre salut. De la même façon, persécuter celui dont les croyances divergent démontrent une incompréhension de la Parole, dont l’enseignement pousse normalement à l’amitié et la tendresse (Remarque : on peut voir la charité comme une manifestation de l’Amour véritable, désintéressé).

Toute persécution ne font qu’éloigner du véritable enseignement de la Parole. Ainsi, autant leur violence que leurs pratiques (s’apparentant au paganisme) expliquent la perte de la Foi pour beaucoup de gens, et la soif de pouvoir d’une partie des ecclésiastiques les ont amené à desservir leur propre cause et l’un des derniers enseignements fondamentaux de Jésus Christ (faire des serviteurs toutes les nations).

Ainsi, violence, débauche et soif de pouvoir sont le point de départ de la ruine du christianisme, en Europe. L’orgueil, l’ambition, la passion et le zèle - qui en sont leur source - sont autant de vices propres à l’homme et enracinés dans la nature humaine (Remarque : dont Dieu sera le seul juge).

L’enseignement du Christ : la tolérance

Soyez mes imitateurs, comme je le suis moi-même de Christ.” 1 Corinthiens 11:1 LSG

La Parole de Dieu nous encourage à être les imitateurs du Christ, qui est venu sur Terre non pas avec des armes et des armées, mais avec l’Évangile de Paix.

Ne soyez en scandale ni aux Grecs, ni aux Juifs, ni à l’Église de Dieu, de la même manière que moi aussi je m’efforce en toutes choses de complaire à tous, cherchant, non mon avantage, mais celui du plus grand nombre, afin qu’ils soient sauvés.” 1 Corinthiens 10:32-33 LSG

La tolérance envers ceux dont les opinions et croyances diffèrent sont conforment à l’Évangile de Jésus-Christ et au sens commun.

Afin de pallier aux débordements de l’un sur l’autre, il est nécessaire de définir clairement les bornes du droit civile et du droit religieux.

Les limites du droit civile

Les droits de l’état portent sur les intérêts civils, c’est-à-dire tout ce qui touche à la vie, la santé, la liberté et les biens matériels. L’état, au travers de ses magistrats, se doit alors de garantir les intérêts civils de chaque individu, de leurs biens temporelles et leurs augmentations. En aucun cas il ne doit se préoccuper de biens spirituels.

En effet, Dieu n’a jamais soumis à un seul magistrat, ou même un seul homme, de juger des biens spirituels de chaque individu, ni imposé aucune religion; ni même la Foi, car chacun est libre de croire ou non, en son for intérieur. Le fait même que la Foi soit affaire de conviction personnelle et intérieure place également la religion hors de porté du magistrat, car il ne peut agir que sur les biens matériels et ce qui est visible. À noter que cela n’empêche pas le magistrat, à l’instar de n’importe qui, d’avertir son prochain de l’avertir, s’il le crois dans l’erreur. Mais en aucun cas le droit civil permettrait de forcer qui que ce soit de croire. Accessoirement, aucune peine (prison, torture, etc.) ne saurait modifier une conviction profonde de l’esprit.

Remarque : ramener l’esprit à une simple dimension de la chair, c’est annuler le droit à la vie spirituelle de l’individu, et nuit même à la liberté fondamentale d’avoir une opinion personnelle… En d’autre terme, c’est le moyen le plus simple de forcer les individus à être matérialistes.

Les limite du droit religieux

Le terme d’église fait référence à “une société d’hommes, qui se joignent volontairement ensemble pour servir Dieu en public, et lui rendre le culte qu’ils jugent lui être agréable, et propre à leur faire obtenir le salut.” et “ceux qui admettent la même règle, dans le culte et dans la foi, sont de la même religion.” L’appartenance à telle ou telle église est libre, et doit être le fruit d’un choix personnel. Non seulement il ne peut être hérité, mais chacun est libre d’intégrer ou de quitter son église, suivant qu’elle est ou non en accord avec ce qu’il pense être un culte agréable à Dieu (accord ou désaccord avec les convictions personnelles).

Maintenant, le fonctionnement même de l’église implique logiquement l’édition de lois qui lui soient propre, par exemple pour organiser ses offices, pour accepter ou refuser un membre, etc. Ces règles doivent être établies par, et connues de tous. Et tout nouveau membre ne peut rejoindre l’église sans en connaître les règles.

Car là où deux ou trois sont assemblés en mon nom, je suis au milieu d’eux.” Matthieu 18:20 LSG

Une telle assemblée peut donc former une église à part entière. Concrètement, chaque église, pour être reconnue, se doit d’appliquer les règles fixées par Dieu dans Sa Parole, le reste étant libre; et ce reste doit être connu et librement consentis de chaque membre de l’église.

La seule marge de manœuvre de l’église hors de ses murs est l’exhortation, les avis et les conseils. L’église ne peut se défaire d’un membre irrespectueux de ses lois seulement par l’excommunication, c’est-à-dire en l’excluant de sa communauté, mais sans atteinte à son corps ou ses biens, ceux-ci étant du domaine de la société civile. De la même façon, aucune église ne peut porter atteinte à un individu ou ses biens civiles, (entre autres) au prétexte qu’il fait parti d’une autre église. À noter tout cela s’applique du simple fait que la Parole enseigne de base la bonté et la bienveillance.

La religion étant affaire de conviction personnelle, on peut appliquer les mêmes règles à chaque individu, comme s’il était sa propre église.

Le juste équilibre entre état et église

L’un n’a pas à interférer sur l’autre. De même que l’église ne peut pas porter atteinte aux biens civiles et matériels, l’état ne peut pas porter atteinte aux biens spirituels. Le magistrat ne pourra pas être juge sur des divergences d’opinion sur les dogmes religieux, et ne pourra pas confier son autorité à l’une ou l’autre église.

De la même façon que l’autorité du magistrat s’arrête aux affaires civiles, l’autorité de tout homme d’église, quelque soit le nom qu’on lui donne, s’arrête aux affaires religieuses de son église. Un magistrat ou un prince ne pourra ainsi pas imposer de religion, de même qu’une église n’aura pas à modifier ses lois pour adhérer aux règles d’un magistrat, et par extension, imposer de choix politique aux hommes.

Tout ce qui est permis par la loi peut être tourné à un usage religieux par l’église. Les lois ne peuvent pas s’ingérer dans les dogmes des églises.

Tant que l’état garantie la liberté de culte, les églises garantissent qu’aucun ne prenne le pas sur l’autre, et cela entraîne la paix pour le peuple. Si l’état favorise une église sur les autres, alors ces dernières tenderons à se soulever contre l’état, ou l’église favorisée tendera à réprimer les autres : l’équilibre sera rompu et la paix, perdue.

Magistrat et homme d’église, vis-à-vis des libertés personnelles

Les droits du magistrat l’amène à garantir les biens et l’intégrité des individus les uns par rapport aux autres. Cependant, en aucun cas il peut interférer dans les biens et l’intégrité de l’individu vis-à-vis de lui-même. Autrement dit, un homme peut dilapider ses biens et ruiner sa santé, le magistrat n’y pourra rien (Remarque : si ce n’est protéger les proches?).

De même que Dieu ne nous forcera jamais à recevoir le Salut, le magistrat comme l’homme d’église ne pourra en rien forcer l’individu à changer son comportement, dans un sens comme dans l’autre, et quelques soient les conséquences de ce comportement. Ils ne pourront faire guère plus que l’avertir.

Bien souvent, les divergences sont sur des points de détails, qui de plus se rapportent aux goûts et préférences de chaque individu. Quand bien même il existerait une solution idéale pour certains cas (e.g. le chemin le plus court), choisir tel ou tel détour, ou arpenter le chemin de telle ou telle façon sera toujours à la discrétion de l’individu.

Chacun est libre de pratiquer sa religion, et d’assumer son appartenance à telle ou telle église, de même que les églises sont par nature des espaces publiques, ouverts par nature. Tout étant affaire de conviction personnelle imposer un culte à l’individu va de facto desservir les aspirations de l’église, si elle s’impose, car tout ce qui va à l’encontre de sa conviction sera préjudiciable pour son salut.

Dans la vie civile, tout ce qui est indifférent à Dieu, tout ce qui est matériel est ni bon, ni mauvais, et nous pouvons en disposer. Là dessus, le magistrat peut légiférer, tant qu’il n’empiète pas sur la vie privée de l’individu. Mais la réciproque n’est pas vraie : si ce qui est indifférent au magistrat, voir même imposé par ses lois, est en horreur à Dieu, et donc en contradiction avec Sa Parole, alors il faut en priorité respecter la volonté de Dieu et s’en défaire, quitte à en subir les conséquences : chaque individu se soumet d’abord à la loi de Dieu, avant la loi du magistrat. Pour ce qui est des dogmes d’église, s’ils contreviennent avec les libertés individuelles, ou menacent les biens des individus, alors il peut légiférer contre ce dogme (qui, de toute façon ne peut pas venir de Dieu).

À noter que le pouvoir temporel découle du pouvoir spirituel. Tant que cette réalité est respectée, le pouvoir temporel ne peut pas se retrouver en porte-à-faux avec la volonté de Dieu.

Le pouvoir législatif constitue la souveraineté. De là, le magistrat doit garantir les possessions de chaque particulier, et les conditions de paix, de sécurité (notamment vis-à-vis des menaces extérieures au peuple), et de liberté, lui permettant de croître en force et en richesse. Il doit également garantir les mêmes droits à chacun, et chacun doit être responsable de ses actes.

Notes complémentaires

Tout est permis, mais tout n’est pas utile; tout est permis, mais tout n’édifie pas. Que personne ne cherche son propre intérêt, mais que chacun cherche celui d’autrui. Mangez de tout ce qui se vend au marché, sans vous enquérir de rien par motif de conscience; car la terre est au Seigneur, et tout ce qu’elle renferme. Si un non-croyant vous invite et que vous vouliez y aller, mangez de tout ce qu’on vous présentera, sans vous enquérir de rien par motif de conscience. Mais si quelqu’un vous dit: Ceci a été offert en sacrifice! N’en mangez pas, à cause de celui qui a donné l’avertissement, et à cause de la conscience. Je parle ici, non de votre conscience, mais de celle de l’autre. Pourquoi, en effet, ma liberté serait-elle jugée par une conscience étrangère? Si je mange avec actions de grâces, pourquoi serais-je blâmé au sujet d’une chose dont je rends grâces? Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, soit que vous fassiez quelque autre chose, faites tout pour la gloire de Dieu. Ne soyez en scandale ni aux Grecs, ni aux Juifs, ni à l’Église de Dieu, de la même manière que moi aussi je m’efforce en toutes choses de complaire à tous, cherchant, non mon avantage, mais celui du plus grand nombre, afin qu’ils soient sauvés.” 1 Corinthiens 10:23-33 LSG

Que personne ne cherche son propre intérêt, mais que chacun cherche celui d’autrui.” C’est la raison d’être de l’entreprise et de l’innovation : la création de valeur n’est pas pour son bien personnel, mais pour notre prochain, c’est-à-dire l’utilisateur de notre bien.

Mangez de tout ce qui se vend au marché, sans vous enquérir de rien par motif de conscience; car la terre est au Seigneur, et tout ce qu’elle renferme. Si un non-croyant vous invite et que vous vouliez y aller, mangez de tout ce qu’on vous présentera, sans vous enquérir de rien par motif de conscience.

Tout ce qui est matériel a été produit avec les ressources mises à disposition par Dieu lors de la Création. S’en priver serait se priver de Sa bénédiction, à partir du moment où c’est bénéfique pour notre corps et notre âme (nourritures, certes, mais aussi idéologies, technologies, etc.).

Mais si quelqu’un vous dit: Ceci a été offert en sacrifice! N’en mangez pas, à cause de celui qui a donné l’avertissement, et à cause de la conscience.

La limite ultime concerne tout ce qui aurait pu être conçu pour nuire à notre âme.

Pourquoi, en effet, ma liberté serait-elle jugée par une conscience étrangère?” La vrai liberté est la liberté de croire ce que nous voulons, et de disposer de nos biens comme on le souhaite, car Dieu nous laisse libre de croire ou non. “Soit donc que vous mangiez, soit que vous buviez, soit que vous fassiez quelque autre chose, faites tout pour la gloire de Dieu.” Et pour le croyant, Dieu ne nous impose pas de religion, c’est-à-dire la façon de pratiquer notre Foi, tant qu’elle respecte Sa Parole. Autrement dit, chaque individu libre de s’auto déterminer (on rejoint les propos de John Locke).

Ne soyez en scandale ni aux Grecs, ni aux Juifs, ni à l’Église de Dieu, de la même manière que moi aussi je m’efforce en toutes choses de complaire à tous, cherchant, non mon avantage, mais celui du plus grand nombre, afin qu’ils soient sauvés.” Et là aussi, nous rejoignons la posture de John Locke : chacun est libre de ses pensés, choix et actes.

La Parole nous encourage à agir pour le bien de la communauté, mais sans imposer notre propre conception aux autres membres de cette communauté. Et bien agir se résume, au final, à reçevoir et appliquer, à titre personnel, les recommandations que Dieu nous a transmis au travers de Sa Parole.